Ascension du Kilimandjaro par la voie Lemosho, jour 6
À relire, le cinquième jour de l’ascension du Kilimandjaro
Quatre heures du matin, j’entends enfin Godfrey qui vient secouer ma tente pour me réveiller. T’inquiète Godfrey, je ne dormais pas. Ça faisait déjà un bon moment que je me retournais de gauche à droite dans mon sac de couchage.
Quinze minutes plus tard, la tente remue à nouveau. Ce n’est heureusement pas le vent, qui est inexistant. C’est à nouveau Godfrey qui m’apporte le petit-déjeuner. Je lui ouvre mon petit chez moi, l’air frais envahie mon espace. Il fait plutôt froid à 4h15 du matin à 4870 mètres d’altitude, même près de l’équateur.
A 5h30, muni de mon casque et de la lampe frontale, je suis prêt et impatient d’en découdre avec la Western Breach, l’itinéraire le plus difficile et le moins fréquenté pour atteindre la zone sommitale.
Voie Lemosho jour 6, de Arrow Glacier Camp à Crater Camp par la Western Breach (+ 850 mètres de dénivelé)
La Western Breach est donc un mur de près de 900 mètres de dénivelé dont plus de 700 au-dessus de la marque des 5000 mètres. L’objectif est de rejoindre Crater Camp à 5720 mètres d’altitude, soit 175 mètres sous le sommet. C’est la journée annoncée comme étant la plus difficile.
Il est obligatoire de partir tôt lorsque tout est encore gelé. Il y a en effet un risque de chute de pierres lorsque le soleil réchauffe la paroi. En 2006, trois trekkeurs sont morts en raison d’un éboulement dans une zone à risque. Depuis, la voie a été déplacée, mais il n’est pas possible d’éviter complètement la zone dangereuse.
La marche est lente mais néanmoins, les centaines s’accumulent 5000 – 5100 – 5200 – 5300, etc… Tout n’est que rochers aux alentours et je me dis qu’au moindre soubresaut de notre chère Terre, tout cet équilibre fragile serait bien vite rompu. Il y a quelques passages plus difficiles où il faut s’aider des mains, mais cela reste très faisable.
La fin me semble interminable, chaque pas devient plus difficile. Enfin, le GPS indique la marque des 5700 mètres, soit la zone du cratère où se trouve notre campement, le Crater Camp. Il faut encore 10 minutes pour l’atteindre, au plat, mais j’ai l’impression de marcher comme un zombie. Il est 10h35, nous avons donc mis cinq heures pour gravir cette redoutée Western Breach.
Pour la première fois depuis le début du trek, je me sens vraiment fatigué. J’ai également un peu mal à la tête. Je dépense la seule énergie qu’il me reste pour gonfler mon matelas afin de m’allonger dans ma tente. L’énergie se fait rare à 5700 mètres, il faut l’utiliser à bon escient.
Vers midi, Godfrey m’amène le repas dans ma demeure mais je n’ai pas faim du tout. L’appétit baisse fortement à cette altitude. Puis vient la neige ! On ne voit plus à 10 mètres et cela me confine dans ma frêle habitation… Moi qui voulais tant explorer la zone du cratère ! Mais au fond, ça m’arrange bien… A 5700 mètres la motivation est proportionnelle à la quantité d’oxygène que mes pouvons reçoivent à chaque respiration, environ 50% de moins qu’au niveau de la mer.
Vers 16 heures la neige s’arrête enfin de tomber et ma motivation remonte en flèche. Le soleil se livre alors à une bataille avec les nuages qui tentent de s’accrocher. Celui-ci finit par être déclaré vainqueur par KO et peut enfin régner en maître sur Crater Camp et toute la zone sommitale.
Je file vers le glacier Furtwängler, le plus proche du camp. Ce glacier est un reste de la calotte glaciaire qui coiffait jadis le Kilimandjaro et qui a déjà perdue 85% de sa surface depuis 1911.
Je devine au loin un sentier qui semble se diriger vers le cratère Reusch. Ni une, ni deux je décide de l’emprunter. Ça monte bien et chaque pas demande un grand effort, l’essoufflement n’est jamais bien loin. Finalement, j’arrive au but, cratère Reusch 5852 mètres d’altitude, soit 43 mètres sous le sommet officiel. La vue est de toute beauté et le cratère immense. Il y a encore quelques fumerolles qui indiquent que ce volcan n’est pas encore éteint bien qu’il dorme depuis 5000 ans.
Au nord se trouve un énorme glacier, enfin bien plus grand que le glacier Furtwängler. C’est le champ de glace Nord (Northern Icefield). Je suis absolument seul, personne à l’horizon pour profiter de ce spectacle grandiose. Finalement, mon guide Dismas me rejoint. Il m’a vu partir et on ne sait jamais ce qu’il peut arriver à cette altitude.
Il faut redescendre au camp, demain c’est le jour du sommet.
À suivre ⇒ Uhuru Peak, rendez-vous sur le toit de l’Afrique
Accident sur la Western Breach 2015 : Le 12 septembre, soit 6 jours après mon passage, j’apprenais la mort malheureuse de l’entrepreneur Américain Scott Dinsmore à l’âge de 33 ans, tué par une chute de pierres sur la Western Breach. Il avait vendu sa maison en Californie et effectuait un tour du monde avec son épouse (blessée).
Ascension effectuée en septembre 2015
Où se trouve le parc national du Kilimandjaro ?
Le parc national du Kilimandjaro se situe dans la partie nord-orientale de la Tanzanie, à proximité de la frontière avec le Kenya et est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987.
Tes photos sont encore une fois magnifiques! C’est assez impressionnant cet univers minéral…
En tout cas, ça a l’air physique avec l’altitude!!!
J’aime beaucoup la partie avec ces blocs de glace qui paraissent un peu irréels et le cratère…j’ai hâte de lire la fin du récit!
Merci Donlope 🙂
En effet, ce jour là était clairement le plus physique.
5’800 m. tu m’impressionnes d’avoir grimpé si haut! Tes photos sont très belles et nous révèlent bien l’importante déclivité de la pente. C’était pas de la rigolade. Et chapeau bas aux porteurs ! J’aime aussi beaucoup les dernières et ces blocs de glace dentelés. Quelle belle aventure tu as vécue et j’imagine bien que la mort de cet Américain peu après ton passage au même endroit a dû t’ébranler…
Merci Christine, oui, ça ébranle un peu, surtout que c’est le premier mort sur la Western Breach depuis l’éboulement de 2006 qui avait tué 3 personnes.
La Western Breach reste un superbe itinéraire très peu fréquenté, mais un peu plus dangereux que la route classique.